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Droit des saisies immobilières, droit des successions et préjudice corporel

Le débiteur saisi peut-il s’opposer à ce que l’huissier prenne des photographies de son immeuble?

A l’occasion d’une récente procédure de saisie immobilière, l’huissier en charge de l’établissement du procès-verbal de description me remet un constat vide de toute photographie alors que je l’avais précisément invité à en prendre…

Dans son constat, et certainement pour se justifier, celui-ci précise que le débiteur ( en l’occurrence une débitrice) s’est opposé à ce qu’il prenne des photographies de l’intérieur…

Si l’on peut comprendre la réticence de la débitrice quant à la prise de ces clichés qui pourrait être considéré comme violant son intimité, en revanche, on s’interroge sur les bases légales pouvant fonder ce refus.

Autrement dit, le débiteur saisi peut-il valablement s’opposer à ce que l’huissier prenne des photos de sa maison lors de l’établissement du procès-verbal de description ?

Il importe de rappeler les textes du code des procédures civiles d’exécution applicables en l’espèce.

L’article R.322-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose qu’à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la délivrance du commandement de payer valant saisie et à défaut de paiement, l’huissier de justice instrumentaire peut pénétrer dans les lieux dans les conditions prévues par l’article L. 322-2.

Ce dernier article prévoit que « l’huissier de justice instrumentaire peut pénétrer dans les lieux et, le cas échéant, faire procéder à l’ouverture des portes et des meubles, afin de décrire l’immeuble saisi ».

L’article R.322 – 2 prévoit en effet que le procès-verbal description comprend la description des lieux, leur composition et leur superficie.

En l’absence de l’occupant du local ou si ce dernier en refuse l’accès, l’huissier de justice procède comme il est dit aux articles L. 142-1 et L. 142-2.  

L’article L.142-1 dispose qu’en l’absence de l’occupant du local ou si ce dernier en refuse l’accès, l’huissier de justice chargé de l’exécution ne peut y pénétrer qu’en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution.

Ainsi, l’huissier dispose de pouvoirs très larges pour établir son PVD puisque même si le débiteur saisi refuse l’accès à son domicile, il peut pénétrer dans les lieux à condition de s’entourer de personnes représentant l’autorité publique ou de deux témoins majeurs.

Mais ici, la débitrice saisie ne refusait pas l’accès à son domicile mais seulement la prise de clichés photographiques de son intérieur…

Il semble que la réponse à la question se trouve à l’article R322-3 du code des procédures civiles d’exécution.

 Cet article dispose que l’huissier de justice peut utiliser « tout moyen approprié » pour décrire les lieux et se faire assister par des professionnels qualifiés en cas de nécessité.

Ainsi, il est possible de considérer que les pouvoirs de l’huissier pour décrire immeuble sont là encore très larges puisqu’il peut utiliser tous moyens appropriés, ce qui inclut de facto la prise de photographies.

Une telle marge de manœuvre pourrait choquer, notamment au regard de la violation de la vie privée et de l’intimité que constitue nécessairement la prise de photographies à l’intérieur d’un domicile.

Mais il ne faut pas oublier les objectifs cruciaux  poursuivis  par le procès-verbal de description dans le cadre de la saisie immobilière.

D’une part, il permet au créancier poursuivant de fixer le montant de la mise à prix.

Les photographies sont alors une aide très précieuse pour se rendre compte de l’état de l’immeuble saisi, notamment l’entretien intérieur, qui n’a jusque là jamais pu être appréhendé.

D’autre part, le PVD renseigne les potentiels adjudicataires sur l’état de l’immeuble avant de porter des enchères lors de l’audience de ventes aux enchères publiques.

Dans ces conditions, il nous semble que l’huissier de justice pouvait (aurait dû ?) passer outre le refus de la débitrice saisie et prendre les clichés afin de les intégrer au procès-verbal de description et mener ainsi à bien sa mission.

Quitte à dépouiller les clichés de tout élément à caractère personnel ou d’ordre privé, afin que la débitrice n’estime pas son intimité violée.

Néanmoins, entre la théorie et la pratique, il y a souvent un gouffre, dont le praticien que je suis a parfaitement conscience….

Florent BACLE

Avocat au Barreau de Poitiers

Spécialiste en Droit des garanties, des sûretés et des mesures d’exécution, 

Qualification spécifique « Vente et saisie immobilière

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