Entrée en vigueur le 15 mai 2022 du nouveau statut de l’entrepreneur individuel : séparation de patrimoine, nouveau droit de gage des créanciers professionnels et personnels et de nouvelles incertitudes.
La loi n°2022-172 du 14 février va entrer en vigueur le 15 mai prochain et unifie le régime applicable aux entrepreneurs individuels en supprimant l’entreprise individuelle à responsabilité limité (EIRL). (celles existantes pourront toutefois subsister)
Celle loi a notamment pour objectif d’améliorer la protection du patrimoine de tous les entrepreneurs individuels.
Son apport majeur : une séparation automatique du patrimoine de l’entrepreneur en deux catégories : le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel qui constitueront, sauf exception, le droit de gage exclusif des créanciers professionnels pour l’un et des créanciers personnels pour l’autre.
Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux créances nées après l’entrée en vigueur de la loi.
Cette réforme n’est pas sans rappeler la création de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale issue de la loi du 6 aout 2015 et apporte à son tour son lot d’incertitudes et de questions pour le créancier et ce d’autant que ce dernier risque désormais d’engager sa responsabilité pour « abus de saisie » lorsqu’il procède à une mesure d’exécution forcée ou conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général. (article L 526-22 C. Com).
La charge d’une telle preuve incombe à l’entrepreneur individuel.
Cette distinction du patrimoine est rendue encore plus obscure par un certain nombre d’exceptions créant ainsi une frontière poreuse entre ces deux patrimoines.
Par exemple, pour le créancier personnel, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.
De la même façon, par dérogation, l’entrepreneur individuel peut consentir des sûretés réelles sur son patrimoine personnel en garantie de dettes professionnelles ou encore renoncer à la séparation des patrimoines au profit d’un créancier professionnel pour un engagement spécifique dans des conditions de formes sanctionnées à peine de nullité (article L 526-25 du Code de commerce).
Cette complexité du régime et des exceptions à laquelle s’ajoute le risque de responsabilité du créancier en cas d’abus de saisie participe sans aucun doute à la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
Néanmoins, les grands gagnants de cette réforme sont sans nul doute les créanciers personnels.
Suite à l’instauration de l’insaisissabilité légale en 2015 de la résidence principale, les créanciers personnels, à qui cette insaisissabilité n’était pas opposable, disposaient d’un droit de gage sur la résidence principale de l’entrepreneur.
La résidence principale constitue bien souvent le bien ayant la plus grande valeur dans son patrimoine.
Désormais, ces créanciers personnels bénéficient d’un droit de gage étendu à ce nouveau patrimoine personnel qui reste néanmoins délicat à déterminer.
Notre profession devra assurément accompagner les créanciers dans des choix judicieux de recouvrement à l’encontre des entrepreneurs individuels.
Paul BARROUX
Avocat associé SARL BACLE BARROUX AVOCATS